Badinages et Réflexions

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dimanche, 3 novembre 2013

MERCI JEANNE

Merci Jeanne

Jeanne Moreau nous lit le texte de la Pussy Riot Nadedja Tolokonnikova. Présentation du texte par André Markowicz et lien vers la vidéo de Jeanne Moreau lisant ce texte.

Le 23 septembre, Nadedja Tolokonnikova, l’une des jeunes femmes du groupe Pussy Riot, a entamé une grève de la faim pour protester contre les terribles conditions de détention dans le camp de Mordovie où elle a été envoyée pour deux ans. Juste avant, via son avocat, elle a fait passer un texte. J'ai lu ce texte en russe – et j'ai été saisi. Saisi par les conditions de vie des prisonnières. Saisi par la description du système de répression en tant que tel. Saisi aussi par la grandeur de la personne qui écrit cela. La langue de Nadejda Tolokonnikova est une langue russe d'une pureté, d'une force, d'une précision qui s'illuminent de la grande tradition humaniste de la Russie – de cette tradition qui fait que la Russie, quelles que soient les horreurs de son histoire, est source de lumière – la tradition de la « Maison morte » de Dostoïevski, celle de Herzen, celle de Tchekhov, et celle de tous les écrivains du Goulag. Un souci de la précision, une précision impitoyable, et le sentiment constant d'être non pas « responsable » pour les autres, mais lié aux autres, d'une façon indissociable. C'est cette tradition qui fait dire à Anna Akhmatova, dans son exergue de Requiem :

« J'étais alors avec mon peuple Là où mon peuple, par malheur, était. »

Nadejda Tolokonnikova parle pour elle-même, et parlant pour elle-même, elle parle avec les autres – elle parle pour nous, et nous donne confiance. Il faut lire et écouter ce texte.

André Markowicz

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http://www.dailymotion.com/video/x16let6_jeanne-moreau-s-engage-dans-la-defense-des-pussy-riots_news

lundi, 28 octobre 2013

CAPITALISME ET CUPIDITE

mav-groupe1-crise-enjeux_1.jpgDeux siècles après la Révolution française et l'abolition des privilèges, une nouvelle forme de féodalité s'est installée, plus discrète, plus sournoise, mais tout aussi injuste et contraignante, celle de la puissance financière. Elle est portée par un système économico-politique, le capitalisme néolibéral qui n'a fait qu'accentuer les inégalités et accroître les richesses et les pouvoirs d'un petit groupe de privilégiés. ethique-capitalisme1.jpg

Certes, on nous propose en abondance des biens et des services dans une sorte de course en avant et de surenchère permanente à la nouveauté. Peu importe si le besoin n'existe pas. L'artillerie lourde de la publicité est là pour capter l'attention des cerveaux et rendre indispensable demain, ce qu'hier le consommateur n'avait même pas essayé d'imaginer. Mais seule une partie de la population peut accéder aux cavernes d'Ali Baba du consumérisme.

La recherche de toujours plus de profit pour les détenteurs de capitaux conduit à des salaires tirés vers le bas, au chômage et à la précarité. Ceux qui se trouvent écartés, marginalisés et privés de l'essentiel, sont de plus en plus nombreux. Comme si leur misère ne suffisait pas, ils sont culpabilisés : "c'est de leur faute s'ils sont inadaptés au monde d'aujourd'hui". Un monde qui fonce droit devant, "on ne sait où" et qui exploite et laisse sur le bas-côté tous ceux qui ne peuvent suivre, voilà ce que l'on nous propose. m21g6271.jpg

Le système de marché planétaire sans garde-fou et la mondialisation libérale, engendrent inéluctablement, par le principe des vases communicants, de la pauvreté dans les pays développés en détruisant les acquis sociaux. Les pays les plus pauvres, s'ils ne disposent pas de ressources naturelles importantes, ne s'enrichissent pas pour autant équitablement. S'ils se développent, c'est en général au profit d'une caste de capitalistes sans scrupules et de politiciens à leur solde qui détiennent tous les pouvoirs. Des millions de travailleurs, y compris des enfants, sans protections sociales y sont exploités comme l'étaient les ouvriers au XIXe siècle en Occident.

Tous les acquis de la République sont attaqués : son indivisibilité, l'Etat et son rôle de régulation et de redistribution, la laïcité, les services publics, la fiscalité progressive, le code du travail, les droits sociaux...

Il est temps d'arrêter ce cercle infernal, de dompter ce capitalisme arrogant gouverné par la cupidité, de mettre fin à un système qui ne profite qu'à une infime partie de la population.

lundi, 10 juin 2013

FMI et la Grèce

FMI

La vraie information du jour.

Il n’y en a, aujourd’hui, que pour quelques skinheads tarés. En revanche, sur cette autre information de taille, énorme même, pas un seul gros titre dans les grands quotidiens, aucune ouverture de journaux télévisés: le FMI vient de reconnaître solennellement que le fameux "plan de sauvetage" de la Grèce du 11 mai 2010 accumula tant d’erreurs qu’il provoqua une catastrophe. En conséquence de quoi, l’Europe est aujourd’hui menacée d’une explosion de la bulle constituée par cette accumulation d’obligations et de bons du Trésor. Au moins l’intention était-elle généreuse? Tu parles! Il s’agissait de voler au secours de nos banques les plus encombrées d’obligations souveraines grecques (ce qui, d’ailleurs, n’empêcha pas un semi défaut!). Et, en prime, on prêta à 6% ce qu’on empruntait à 3%. Enfin, et surtout, les mesures d’austérité imposées à la Grèce (sans qu’on ne l’oblige, en revanche, à faire payer ses armateurs, à taxer son Eglise orthodoxe et à diminuer ses dépenses d’armements dont nous profitons largement) provoquèrent une telle récession que le manque à gagner dépassa très largement les économies obtenues grâce aux sacrifices exigés de la fraction la moins favorisée de la population. Et, là encore, les trous se creusèrent. Rappelons que les socialistes et le MoDem approuvèrent cette folie. Sarkozy va-t-il reconnaître sa responsabilité, esquisser une autocritique? Les socialistes vont-ils regretter leur assentiment? Les médias qui affichèrent un tel enthousiasme vont-ils admettre leur erreur? Va-t-on se demander comment on a pu cautionner une telle foutaise?

samedi, 13 avril 2013

"AFFAIRE CAHUZAC"

Cahuzac.jpegLes aveux de Jérôme Cahuzac ont déclenché un véritable raz de marée qui tranche avec la relative bienveillance dont il a bénéficié auparavant, tant de la part de ses collègues politiques de gauche comme de droite, que de celle des médias que l'on a connus moins attachés à la présomption d'innocence.

Jérôme Cahuzac, à en croire ses accusateurs, n'a pas seulement fraudé le fisc et menti aux parlementaires, il serait, à lui tout seul, le fossoyeur de la démocratie, de la confiance en la politique et le responsable de la montée du populisme.

Pour garantir la survie de la corporation politique, il est nécessaire de sacrifier à l'opinion publique un responsable. Cela s'appelle « la mécanique du bouc émissaire ».

Jérôme Cahuzac a joué ce rôle. Il ne s'agit pas de l'exonérer de ses responsabilités, juridiques et politiques, mais de s'interroger sur ce que cet épisode nous dit du malaise qu'éprouve notre pays. On ne saurait en effet rendre Jérôme Cahuzac principal responsable de la montée du Front national et des populismes. Le vote FN n’a pas besoin d’affaires de ce genre pour prospérer. Sa progression au cours des vingt dernières années l’atteste. Jean-Marie Le Pen est parvenu au second tour de l'élection présidentielle en passant devant Lionel Jospin, l’exemple aux yeux de l'opinion de la rigueur morale et à l'inverse, des élus notoirement corrompus sont régulièrement réélus.

Ce qui nourrit l'audience du Front national, c'est le sentiment, largement répandu, que droite et gauche mènent une même politique, opposée aux intérêts du Peuple. Dans ce contexte, la solidarité manifestée par les élites avec l'un des leurs accusé de corruption morale ne peut qu'alimenter ce populisme vertical, du bas contre le haut, mais elle ne le crée pas.

Si la mansuétude a été générale envers le ministre délégué au budget, et si ses agissements personnels alimentent le «tous pourris», cela tient largement à l'homogénéité des élites politiques et économiques françaises et à leur déconnexion avec le citoyen normal. Plus personne, dans les cercles dirigeants de notre pays, ne peut plus témoigner avoir vécu de près les fins de mois difficiles, la peur du petit chef, le corps déformé par le travail. Cela n’a pas toujours été le cas. Cahuzac_2.jpeg

Ministres, responsables politiques hauts fonctionnaires et grands patrons du privé ont en commun en France d’être tous issus des mêmes grandes écoles et des mêmes milieux sociaux. Les bons élèves de ces filières prennent à leur sortie d’école la tête des grandes administrations publiques. Puis ils alternent en général entre un mandat d’élu et un poste dirigeant dans les grandes entreprises privées.

L'endogamie de nos élites entretient et alimente la collusion entre les intérêts personnels, publics et financiers. C'est à la loi de définir un cadre stricte pour qu'il n'y ai aucune interférence entre ces 3 intérêts, qui sont souvent contradictoires. C'est à l'état de donner les moyens à la justice et au trésor public de contrôler le respect de la loi, et c'est au citoyen d'assumer son pouvoir d'électeur.

Plutôt que d’accabler un homme dont il revient dorénavant à la justice d’apprécier l’étendue de la faute, réformons notre système politique. Si nous profitons du scandale pour inventer des moyens qui pourraient assurer une meilleur représentation de la diversité de notre société, faire respecter l'éthique républicaine par tous nos élus, et sanctionner lourdement ceux qui ont trompé la confiance des citoyens alors «l’affaire Cahuzac» aura été utile.

jeudi, 4 avril 2013

POPULISME !

Je hais ce mot ! populisme.jpg

Et voilà que maintenant on se revendique populiste pour faire croire que l’on s’intéresse vraiment aux autres, aux humbles, au Peuple. Quelle hypocrisie, quelle facilité.
Je hais ce mot. Il me rappelle de vieilles rengaines nauséabondes.
Je hais ce mot car il se suffit à lui-même. On se dit populiste, ou on dit des autres qu'ils sont populistes et hop on a tout dit. Les méchants sont désignés, le programme est simple, le mot d’ordre est facile à retenir : tous pourris !
Je hais ce mot car il se cache derrière le Peuple comme un parasite et apparaît quand ça l’arrange pour s’installer durablement sans crier gare.
Ce mot est une nouvelle porte qui se veut acceptable, mais ouverte sur tous les excès. Une porte qui en masque d’autres. Celle de la démagogie, celle de l’extrémisme, celle de la zéro réflexion, celle de la dénonciation, celle du totalitarisme.
Je hais ce mot car il clôt le débat !
Je hais ce mot car il nous fait croire que tout est simple et qu’il suffit de décider, comme si on était seul au monde…
Comme si la solution était au bout d’une courte ligne droite.
La politique est faite de réflexion, d’écoute et de remise en cause, de renoncement et de grandes décisions, d’échecs et de victoires. Elle n’est pas simpliste mais complète et profonde dans son analyse et sa pratique.
Ce mot n’a pas de sens…Il ne sera jamais un courant de pensée.

fmi.jpegmanif.jpeg Le politologue Pierre-André Taguieff évoque l'émergence d'un populisme ayant plusieurs caractéristiques. La première caractéristique de ce populisme serait la volonté systématique d'opposer le peuple et l'élite. La deuxième caractéristique de ce populisme serait de dénoncer le mondialisme et de défendre la théorie du complot des puissances de l'argent contre les peuples et les nations. Enfin, l'hypermédiatisation entretiendrait une certaine forme de populisme en jouant plutôt sur le registre de l'émotion que du raisonnement politique.

Que pèse un mot criminalisant qui peut s’appliquer à n’importe qui, dans n’importe quelle circonstance, décrit des situations qui n’ont aucun rapport entre elles, et permet, en conséquence, de dire n’importe quoi?
Que valent des journalistes ou des intellectuels dont la pensée est devenue si courte, la capacité d’analyse si étriquée, la réflexion si mécanique et les références conceptuelles si pauvres que, quoi qu’ils disent, et à quelques situations qu’ils soient confrontés, emploient toujours et obsessionnellement le même mot?
Que dire d’un petit monde élitiste qui, pour exprimer ses rejets, ses exclusions, ses excommunications et ses exécrations, choisit tout naturellement une expression dont "peuple" constitue la racine?
"Populisme"! Concept magique grâce auquel une certaine gauche et une certaine droite peuvent, en toute complicité, verrouiller leur propre auto-enfermement.
"Populisme"! Concept magique grâce auquel une autre gauche et une autre droite peuvent enfermer dans le même panier les "tous pourris".

images.jpeg Le sait-on? Il y a 60 ans encore, de grands romans et de grands films (Hôtel du Nord, Quai des brumes) recevaient un prestigieux "Prix Populiste". Ce sont les communistes d’après-guerre qui, les premiers, eurent l’idée d’employer, jusqu’à plus soif, ce qualificatif de façon péjorative pour déconsidérer tous discours non staliniens s’adressant au peuple (trotskyste et titiste compris) et les amalgamer avec le nationalisme réactionnaire et le fascisme. Ils ont fait école.
Je vous en prie, je vous en supplie: au nom du débat démocratique, au nom du respect des différences, au nom de la tolérance, prenez l’engagement de ne plus user et abuser de ce mot terroriste.

51JN9FIgUjL_002.jpg"Le peuple est de retour. Evoqué, convoqué, invoqué, il est à nouveau au cœur des conversations et des préoccupations politiques. On ne parle que de lui. Ceux qui l’ont oublié depuis si longtemps en font beaucoup, trop sans doute, pour se faire pardonner. Ceux qui ne cessent de s’en prévaloir, bruyamment et à tout propos, protestent de leur antériorité pour en réclamer l’exclusivité. Ceux qui gouvernent se souviennent soudain qu’ils devraient le faire en son nom. Aller au peuple, le comprendre voire, audace suprême en démocratie, lui donner raison ! Faut-il être populiste pour devenir populaire ?"

mardi, 2 avril 2013

SANS COMMENTAIRE 1 - Louis Ferdinand Céline - Les riches

LFC.jpeg"Quand on n’a pas d’argent à offrir aux pauvres, il vaut mieux se taire. Quand on leur parle d’autre chose que d’argent, on les trompe, on ment, presque toujours. Les riches, c’est facile à amuser, rien qu’avec des glaces par exemple, pour qu’ils s’y contemplent, puisqu’il n’y a rien de mieux au monde à regarder que les riches. Pour les ravigoter, on les remonte les riches, à chaque dix ans, d’un cran dans la Légion d’honneur, comme un vieux nichon, et les voilà occupés pendant dix ans encore. C’est tout."
Louis Ferdinand CELINE - "Voyage au bout de la nuit"

dimanche, 17 mars 2013

LIBERTE, DEMOCRATIE, JUSTICE SOCIALE

drapeau.jpeg La réaffirmation de la loi Républicaine comme la forme la plus haute du lien social, doit aujourd'hui servir de programme à la démocratie. Les groupes de pression se sont toujours donnés pour objectif d'influencer le législateur avant qu'il légifère. Mais maintenant, empêcher la loi de se faire et de s'appliquer est devenu le fond de commerce de l'action corporative. Il ne faut pas chercher plus loin les raisons du déclin du Parlement. Que l'on me comprenne bien: il existe dans l'histoire des moments où l'injustice et la barbarie des lois sont telles, qu'il est du devoir du citoyen de résister à l'ordre légal. La constitution de l'an I l'avait même prévu. Mais établir durablement la justice en marge de la loi, c'est détruire la démocratie et lui substituer un pur rapport de force au profit du plus fort.

Le combat pour des valeurs révolutionnaires et républicaines est un combat sur l'image de la société que nous nous faisons. L'Etat minimal des libéraux et l'Etat SAMU d'une certaine gauche sont tous les deux fondés sur la négation de la citoyenneté. Mais aujourd'hui des catégories entières de citoyens échappent à la loi. Les classes dirigeantes, politiques et économiques, ont donné le mauvais exemple. Leurs malversations ont rarement été sanctionnées. L'impunité de certains de nos responsables a ôté toute autorité aux autres pour faire respecter la loi. En conséquence de nombreux groupes sociaux (agriculteur, transporteurs routiers, chasseurs, lobbys divers etc...) ont une capacité de nuisances telle que les pouvoirs publics ont renoncé à les sanctionner. Dans les banlieues de nos grandes villes des zones de "non-droit" se sont créées, où vivent des populations démoralisées et désespérées.

republique.jpg Certes, la naissance de nouveaux droits, est d'abord le fait des luttes sociales et révolutionnaires. Le législateur intervient pour ratifier l'évolution des esprits. Pour fonctionner une république démocratique exige: un mouvement social organisé, revendicatif et novateur; un système démocratique capable de faire des lois et de les faire respecter. La conception purement négative de la loi, ne peut que reproduire l'ordre social existant sans espoir de progrès. Le ralliement des classes populaires à la République au XIX° siècle s'est fondé sur la confiance en l'action réformatrice de la loi et à sa capacité de lutter contre les inégalités.

L'ombre grandissante de l'extrême droite dans la paysage mental et politique Français et Européen, doit nous amener à un examen de conscience. Plus l'état recule et baisse la tête, plus le Front National avance. La république doit être refondée si l'on ne veux pas qu'elle soit renversée. Si la demande de règles et de valeurs n'est pas satisfaites par les républicains, elle le sera par d'autres. Ce ne sera plus la loi égale pour tous mais l'ordre du plus fort doublé de l'ordre moral.

samedi, 9 mars 2013

MALAGAR, Chez François MAURIAC

IMG_3045.JPG "Pas plus qu'à moi même, Malagar ne saurait apparaître à mes lecteurs tel qu'il est. Ils verront ici ce que les autres ne voient pas. Même après ma mort, tant qu'il restera sur la terre un ami de mes livres, Malagar palpitera d'une sourde vie..."
François Mauriac

François Mauriac est né le 11 octobre 1885 à Bordeaux. En 1926 il hérite du domaine familiale de Malagar. C'est là dans cette modeste maison bourgeoise du XVIIIe siècle qu'entre 1927 et 1968, il vient à Pâques et aux vendanges. Malagar domine la ville de Langon et la vallée de la Garonne. Au sud la forêt des landes ou enfant et adolescent il passe ses vacances. Au nord le vignoble de "l'entre deux mers", ses doux paysages, et le village de Verdelais ou il se rend à la messe à pied.

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"...Paysage le plus beau du monde, à mes yeux, palpitant, fraternel, seul à connaître ce que je sais, seul à se souvenir des visages détruits dont je ne parle plus à personne, et dont le vent, au crépuscule, après un jour torride, est le souffle vivant, chaud, d'une créature de Dieu."

François Mauriac place à Malagar trois de ses romans : Le noeud de vipères, La chair et le sang et Destins. Il écrit également à Malagar les chroniques de son bloc-notes. Sa foi catholique et son humanisme l'ont souvent éloigné de la bourgeoisie chrétienne dont il est issu et qui le trouvait trop sulfureux. Cette bourgeoisie qui "se partage l'héritage en veillant le mort."
Guerre d'Espagne, Vichy, Staline, colonialisme, torture en Algérie, rien de la bêtise humaine n'échappe à François Mauriac. Il dit que c'est" l'honneur de ma vie" et pense ainsi avoir "sauvé l'honneur catholique."

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Le domaine de Malagar abrite depuis 1998, le centre François Mauriac, bien plus qu'une maison d'écrivain un lieu pour offrir la culture au plus grand nombre.

vendredi, 1 mars 2013

Olivier VOISIN (hommage à un grand reporter)

Guerre de LybieOlivier Voisin, photographe indépendant de 38 ans est mort, des suites de ses blessures en Syrie. Il était doué, sociable et chaleureux. mais c'était un homme seul. Un solitaire. Dans ce métier, c'est fréquent. On respecte le silence des autres.

Comme chaque fois, c'est la mort qui met un reporter en lumière. On savait de lui qu'il était courageux. Un free-lance, un reporter indépendant, un reporter de guerre, doit se battre chaque jour pour trouver les moyens financiers pour vivre, voyager et travailler. Un reporter doit produire et vendre.

Il est mort comme bien d'autre en Syrie. Comme Rémy Ochlik, comme Gilles Jacquier, comme Marie Colvin, comme Yves Debay et comme bien d'autres. La guerre tue tout le monde, à égalité, comme une grimace démocratique de la mort.

Les reporters tombent en Syrie. Leur mort est leur dernier témoignage. Entre les obus d'Assad et de ses tortionnaires, et les attentats des insurgés dont ces "crétins de moralistes religieux" il n'y a pas de place pour la clémence.

Et puis les photos, fortes et belles, qui disent l'essentiel. Regardez une de ces photos et vous comprendrez l'homme et le photographe que nous venons de perdre.

dimanche, 3 février 2013

Tristan CABRAL

HOUSSIN Yann, alias CABRAL TristanCabral.jpeg

Yann Houssin, est né à Arcachon le 29 février 1944. Après des études secondaires à Bergerac, il va à la faculté de théologie protestante de Montpellier, puis il abandonne le pastorat et entreprend des études philosophiques. Nommé professeur de philosophie à Nîmes, il y exerce son métier durant trente ans. En 1974, il préface un recueil de poèmes intitulé Ouvrez le feu d’un jeune poète de 24 ans, Tristan Cabral qui s’est suicidé en 1972. La critique est élogieuse. On apprend plus tard en 1977 que Tristan Cabral est bien vivant et que le professeur de philo Yann Houssin est en fait le poète Tristan Cabral. Tristan, celui d’Iseult et Cabral, le grand révolutionnaire Angolais. Il publie alors une avalanche de textes. Du pain et des pierres, Quand je serais petit. Au travers de ses textes il épouse la cause des exclus, des taulards, des aliénés, des insoumis, de tous ceux que la société écrase. En 1976, il est incarcéré à la prison de la Santé à Paris pour « participation à une entreprise de démoralisation de l’armée française ». Il se lie à des mouvements révolutionnaires en Amérique du sud, Anthologie des poètes insurgés. Tous ses poèmes témoignent d’une « écriture impossible aux prises avec la mort ». Cabral voyage et on le retrouve partout où l’homme incendie son semblable. A Prague Le quatuor de Prague ; Bagdad, Istanbul Le passeur d’Istanbul ; Belfast, Mexico, Alger, Jérusalem Le Désert-Dieu ; Kosovo, Bosnie, Mourir à Vukovar ; Auschwitz… En 1997, sa poésie, expression d’une révolte pure, évolue vers une poésie de la quête. Que veut-il oublier : « Je ne veux surtout RIEN oublier… Surtout pas. L’oubli, c’est la mort. »

Voici un de ses textes que je partage avec plaisir.

MOTS DE PASSE POUR L'AN 01 (extrait)

''J'aurai l'amour d'aimer et je prendrai le temps!
le temps d'aimer les Mots,
des mots de fiançailles et de coquelicots,
des mots pour dire l'abeille et le rossignol,
des mots pour peindre des prairies lumineuses
sur les murs de la nuit,
des mots pour enlever ses chaînes à Toussaint l'Ouverture!!!
des mots fléchés pour faire la peau de Buffalo-Bill!
des mots qui ont rêvés pour nous l'idée de l'Amour Fou!
des mots sans chaînes et sans verrous, sans barreaux, sans frontières,
sans calice, sans contrition,et sans tortures!
sans Dieu, sans Maître, sans Rédemption,
des mots à bout portant!
des mots qui déclouent toutes les mains,
des mots de fiançailles insensées avec les sources, avec le feu,
avec la mer, des mots de pain pour partager et de pierres
pour les lancer
à la figure des Assassins!

je trouverai les mots
des mots pour dire avec Mahmoud Darwich et pour crier
qu'il n'y a pas de terre promise
et pour dire aux Hommes-suicides de Palestine
qu'il n'y a pas de Paradis!
Terre Promise, Nulle Part!
Terre Promise à tous, pour tous, Partout!
les mots qui tiennent tête aux révélations! aux fous de Dieu!
aux assassins de la Splendeur Naturelle!
je trouverai
les mots d'insurrection et de marées toujours aux équinoxes!
des mots de blé, de vigne, de figuiers, et d'arbres millénaires!
des mots de source dans le Matin des Cerises,
des mots pour dire
le pain indicible des Anges!!!!!
et j'aimerai jusqu'au Bout
le sein blanc entrevu sous la chemise douce

Voici que je vous donne des mots-de-passe pour l'an 01!
les mots-passereaux,
les mots inespérés,
les mots de prairies pures et de saisons neuves,
les mots de marées hautes, des mots vêtus de mille mondes,
de toutes les couleurs,
les mots de violoncelles insensés,
les mots des corps désirants et solaires, les mots
sans faute et sans péché,
les mots des amantes au corps parfait,
et je prendrai le temps!
de démentir le faux Sacré, les règlements, les messes,
les clôtures, les papamobiles, les derviches tueurs,
les fous de Dieu, la sainteté des échafauds, les catéchismes,
les bûchers de Montségur, les leçons de Ténèbres,
la grande peur du buisson noir des femmes
et des cheveux défaits

et je prendrai le temps!
le temps de démentir le Grand Soporifique!
qui ne voyait ni les cheminées, ni les fumées,
qui n'entendait ni les cris, ni les trains, ni les chiens!
NI LA VOIX SOUS LA CENDRE
de David et Sarah!
c'est pourquoi, il ne faut plus jamais,
donner de Nom au Grand Silencieux des Ténèbres!
car tant qu'il fera Dieu, le monde pleurera!
mais j'aime les mots de neige comme
un sein blanc sous une chemise, les mots de sablier
trichant sur le comte à rebours, les mots d'éternité physique!
les mots de sable rose et des roses de rêve,
des mots insoumis qui ne marchent pas entre les lignes,
impossibles à coucher!
des mots bleus et blanc comme l'oiseau de Magritte!
peints sur le Ciel par des peuples de Beauté!
Je resterai sur cette Terre, qui est si belle!!!
ni sainte, ni promise, Sol Absolu pour Tous!

Alors?
voici des mots pour marcher sur la mer
jusqu'à la fin du Monde!
DES MOTS pour l'an 01!
voici des mots de blé, de vignes et d'oliviers,
des mots désirants et solaires!
des mots miraculeux!
comme un sein nu sous une chemise...''

LE MARIAGE POUR TOUS (2)

Les opposants au projet de loi sur le mariage homosexuel parlent "d'aberration anthropologique". Cela n'a aucun sens. Dans l'évolution des systèmes de parenté, il existe des transformations mais pas des aberrations. Certes, on ne trouve pas, dans l'histoire, d'union homosexuelle et homoparentale institutionnalisée. On comprend pourquoi. Pendant des millénaires, la société a valorisé l'hétérosexualité pour se reproduire. La question des unions homosexuelles et de l'homoparentalité est une question moderne, qui ne s'est jamais posée auparavant. L'humanité n'a cessé d'inventer de nouvelles formes de mariage et de descendance. C'est pour cela que Maurice Godelier* parle de métamorphoses à leur propos.

Pourquoi maintenant? C'est le résultat de quatre évolutions :
--La reconnaissance progressive de l'homosexualité.
--L'émergence d'un nouveau statut de l'enfant.
--L'apparition de nouvelles technologies de reproduction.
--Le fait que dans une démocratie les minorités ont les mêmes droits que la majorité.
A partie de là, il est devenu possible et nécessaire d'accorder aux homosexuels de vivre légalement leur sexualité et, pour ceux qui le désirent, de pouvoir élever des enfants.

Revenons sur plusieurs points fondamentaux.

L'homosexualité est une sexualité autre mais normale. Ce n'est ni une maladie, ni une perversion, ni un péché. Si on ne le reconnaît pas, on continue à charrier de l'homophobie. De plus la sexualité signifie désir, mais aussi amour. Comme les hétérosexuels, les homosexuels s'aiment.

Les couples homosexuels sont infertiles. Pourtant ils sont de plus en plus nombreux à vouloir des enfants. C'est une conséquence du mouvement de valorisation de l'enfant et de l'enfance qui a commencé au XVIII siècle. Il a abouti à la déclaration universelle des droits de l'enfant. La place de l'enfant dans la famille et dans la société évolue. L'enfant n'est pas seulement un individu en état d'enfance, c'est un individu à part entière dans la famille et dans la société. La volonté de transmettre à travers la descendance est universelle. Elle permet la transmission non seulement d'un nom et des biens, mais aussi de valeurs personnelles. Les homosexuels participent de ce mouvement, comme les hétérosexuels.

Un enfant naît d'un père et d'une mère. Ce qui importe, c'est que les attitudes dites masculines ou féminines soient assumées. La paternité et la maternité sont des fonctions. Dans nos sociétés, elles peuvent se déplacer.Est-ce que les pères ne se mettent pas aujourd'hui à materner? Il ne peut pas y avoir d'abolition du genre mais un décrochage par rapport au genre. Pour l'église catholique la vraie famille c'est l'union sacrée d'un homme et d'une femme devant Dieu, qui a pour conséquence l'interdiction du divorce. Cette conception de la famille est propre à l'occident catholique et n'a aucun sens dans beaucoup de société. Seule, la religion catholique, considère le mariage comme un sacrement indissoluble. Les résistances sont normales, elles accompagnent en grand changement social et mental. Deux personnes de même sexe vont avoir des enfants, contrairement aux exigences de la nature. Toutes les sociétés ont trouvé des parades à la stérilité. Nous avons la procréation médicalement assistée. Ce qu'il faut comprendre, c'est que les notions de paternité et de maternité ont une dimension biologique et une dimension sociale. Aujourd'hui, au sein des familles recomposées, la parenté sociale s'étend. On attend du nouveau compagnon ou de la nouvelle compagne qu'ils se comportent comme des pères et des mères vis-à-vis des enfants conçus par d'autres.

L'état doit intervenir pour fixer des responsabilités devant la loi. Il arrivera que les couples homosexuels se séparent. Il faut fixer un cadre. Il faut pénaliser l'homophobie, qui agresse parents et enfants. D'autres gouvernements sont passés par là. Aucune des sociétés qui ont accepté ces évolutions ne s'est effondrée. C'est devenu banal, comme est devenu banal d'avoir des enfants sans se marier ou de se marier et de choisir de ne pas avoir d'enfant.

  • Maurice Godelier, "Métamorphose de la parenté". Flammarion 2010 41HBji35r7L._SL500_.jpg

jeudi, 31 janvier 2013

Grégory PORTER

index.jpegAvec son timbre exceptionnel et chaleureux, Grégory Porter occupe une place de choix dans la catégorie des chanteurs de jazz. Une barbe hirsute et une stature à faire pâlir tous les adeptes du culturisme, voici le puissant Grégory Porter, capable d'émouvoir dans de nombreux registres. Il chante ses propres compositions, ou reprend des classiques, dans un répertoire qui va des ballades romantiques au soul en passant par le big-bang avec son excellent quatuor.

Ecoutez "1960 What?", sur YouTube

mardi, 22 janvier 2013

ISTANBUL

"Vieille main couverte de bagues tendue vers l'Europe", selon le mot de Jean Cocteau, Istanbul brasse des millénaires d'histoire où héritages byzantin et ottoman se confondent, où civilisations orientale et occidentale, tradition musulmane et chrétienne se confrontent et parfois s'affronte.

On débarque à Istanbul nourri des souvenirs des écrivains voyageurs, rêvant de caïques dorés, de maisons de bois sur la Corne d'Or, de minarets célestes et de coupoles majestueuses. On s'y retrouve noyé dans le tourbillon d'une ville-monde de 13 millions d'âmes lancées dans un combat surhumain pour parvenir à leur destination, on ne sait où.

Mais bientôt, gravissant l'une des sept collines de "la nouvelle Rome", au hasard d'un paisible cimetière, près d'une fontaine ou encore dans l'ombre trouble d'un "gazino" on redécouvre l'harmonie et la douceur de vivre d'une cité trop vielle pour mourir.

Entre beauté et confusion, Istanbul provoque et séduit.Istanbul

dimanche, 20 janvier 2013

LE MARIAGE POUR TOUS

Le contexte

C'est en 1999 que la France reconnaît légalement les unions de personnes de même sexe avec l'instauration du pacte civile de solidarité (PACS).

Pourtant, la revendication pour les homosexuels de pouvoir se marier est de plus en plus forte, portée au nom de l'égale dignité des personnes et de l'égalité des droits qui en découlent. Les droits ouverts par le Pacs sont très inférieurs à ceux ouverts par le mariage (droits patrimoniaux, protection du survivant, pension de réversion, adoption d'enfants ouverte aux seuls couples mariés ou célibataires). C'est l'accès au mariage et à sa symbolique qui est demandé. En 2011, le Conseil constitutionnel, saisit d'une question prioritaire de constitutionnalité, considère que le mariage homosexuel n'est ni imposé, ni interdit par la constitution. C'est au législateur qu'il appartient de décider.

Parallèlement, en Europe et dans le monde, année après année, de nouveaux pays autorisent le mariage homosexuel : les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, l'Espagne en 2005, la Suède en 2009, le Portugal en 2010 et le Danemark en 2012. Le mariage de personnes de même sexe est autorisé au Canada depuis 2005 et aux Etats Unis dans 9 états.

Les pays qui autorisent le mariage homosexuel ont adopté des législations différentes en ce qui concerne la filiation. Le Portugal refuse l'adoption et la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples mariés de même sexe. En revanche l'Espagne reconnaît aux couples de femmes l'adoption ainsi que la possibilité d'établir un lien de filiation avec l'enfant né pendant l'union. La PMA est possible pour les femmes au Danemark, en Espagne, au Pays Bas, en Belgique et en Suède. La gestation pour autrui est autorisée en Belgique aux Pays Bas et en Angleterre.

Le mariage

Le mariage, avant la Révolution française, est une prérogative exclusive de l'Eglise. En 1791 la Constitution sécularise le mariage. La loi considère le mariage comme un contrat civil. Parallèlement le divorce est autorisé à partir de 1792. Le divorce est à nouveau interdit en 1816 sous la pression de l'Eglise et de la Royauté pour être rétabli en 1884. Avec la reconnaissance progressive des droits des femmes et l'évolution des modes de vie, la famille se transforme et, désormais, plus de la moitié des premiers enfants des couples naissent hors mariage. Un tiers des enfants vivent dans des familles recomposées. Pour beaucoup le mariage n'est plus qu'un simple contrat civil qui organise la vie commune, voire, selon les mots de Noël Mamère "une célébration sociale de l'amour". Dans ce cas, rien ne s'oppose à ce que des couples de même sexe puissent se marier.

Pour de nombreux opposants aux mariages homosexuels, le mariage reste une institution à part entière et une structure fondamentale de la civilisation car il a pour finalité la reproduction. Certains de ces opposants nous ressortent même le spectre de la décadence de la société ! Ce discours nous l'avons déjà entendu lors du débat sur le PACS en 1999, le débat sur l'IVG en 1975, le débat sur la contraception en 1967. Toutes ces évolutions de notre société ont suscité de la part des droites conservatrices et des Eglises le même rejet. Sur un plan juridique, le mariage peut-être analysé de façons différentes. Le doyen Jean Carbonnier considérait ainsi que c'est la présomption de paternité qui est au coeur du mariage (le mariage fait du mari le père de l'enfant que son épouse met au monde). Pour la sociologue Irène Thery le mariage c'est le couple. Il n'y a pas dans le mariage d'engagement à la procréation.

La parentalité

Le mariage ouvre la voie à la filiation : c'est la seule institution qui articule conjugalité et parentalité. Dans un couple marié, les deux parents exercent en commun l'autorité parentale. Par ailleurs, seuls les couples mariés peuvent adopter ensemble un enfant. Tous les célibataires de plus de 28 ans peuvent adopter. La reconnaissance du droit aux couples de même sexe de se marier leur ouvrirait donc la possibilité d'adopter, qu'il s'agisse d'une adoption conjointe ou de l'adoption de l'enfant du conjoint.

Il existe actuellement des familles homoparentales, c'est-à-dire une famille ou un couple de parents dont l'orientation homosexuelle est reconnue et un ou plusieurs enfants légalement liés à l'un des parents au moins. Mais au sein de ces familles, le second parent n'a pas d'existence légale. Le mariage est une réponse à cette insécurité juridique qui pénalise les enfants.

Plus largement, les associations homosexuelles souhaitent voir étendue aux couples de femmes la PMA. Ce point n'est pas intégré dans le projet de loi sur le mariage pour tous mais il est déjà dénoncé par ses adversaires au nom du droit de l'enfant. Certains font ainsi remarquer que les enfants des familles homosexuelles bénéficiaires d'une PMA seraient les descendants d'un tiers qui resterait sans statut. Ces enfants seraient en conséquence privés de leurs origines. Mais c'est aussi le cas dans les familles hétérosexuelles qui recourent actuellement à l'adoption ou à la PMA. La question existe quelque soit la forme du couple.