Cahuzac.jpegLes aveux de Jérôme Cahuzac ont déclenché un véritable raz de marée qui tranche avec la relative bienveillance dont il a bénéficié auparavant, tant de la part de ses collègues politiques de gauche comme de droite, que de celle des médias que l'on a connus moins attachés à la présomption d'innocence.

Jérôme Cahuzac, à en croire ses accusateurs, n'a pas seulement fraudé le fisc et menti aux parlementaires, il serait, à lui tout seul, le fossoyeur de la démocratie, de la confiance en la politique et le responsable de la montée du populisme.

Pour garantir la survie de la corporation politique, il est nécessaire de sacrifier à l'opinion publique un responsable. Cela s'appelle « la mécanique du bouc émissaire ».

Jérôme Cahuzac a joué ce rôle. Il ne s'agit pas de l'exonérer de ses responsabilités, juridiques et politiques, mais de s'interroger sur ce que cet épisode nous dit du malaise qu'éprouve notre pays. On ne saurait en effet rendre Jérôme Cahuzac principal responsable de la montée du Front national et des populismes. Le vote FN n’a pas besoin d’affaires de ce genre pour prospérer. Sa progression au cours des vingt dernières années l’atteste. Jean-Marie Le Pen est parvenu au second tour de l'élection présidentielle en passant devant Lionel Jospin, l’exemple aux yeux de l'opinion de la rigueur morale et à l'inverse, des élus notoirement corrompus sont régulièrement réélus.

Ce qui nourrit l'audience du Front national, c'est le sentiment, largement répandu, que droite et gauche mènent une même politique, opposée aux intérêts du Peuple. Dans ce contexte, la solidarité manifestée par les élites avec l'un des leurs accusé de corruption morale ne peut qu'alimenter ce populisme vertical, du bas contre le haut, mais elle ne le crée pas.

Si la mansuétude a été générale envers le ministre délégué au budget, et si ses agissements personnels alimentent le «tous pourris», cela tient largement à l'homogénéité des élites politiques et économiques françaises et à leur déconnexion avec le citoyen normal. Plus personne, dans les cercles dirigeants de notre pays, ne peut plus témoigner avoir vécu de près les fins de mois difficiles, la peur du petit chef, le corps déformé par le travail. Cela n’a pas toujours été le cas. Cahuzac_2.jpeg

Ministres, responsables politiques hauts fonctionnaires et grands patrons du privé ont en commun en France d’être tous issus des mêmes grandes écoles et des mêmes milieux sociaux. Les bons élèves de ces filières prennent à leur sortie d’école la tête des grandes administrations publiques. Puis ils alternent en général entre un mandat d’élu et un poste dirigeant dans les grandes entreprises privées.

L'endogamie de nos élites entretient et alimente la collusion entre les intérêts personnels, publics et financiers. C'est à la loi de définir un cadre stricte pour qu'il n'y ai aucune interférence entre ces 3 intérêts, qui sont souvent contradictoires. C'est à l'état de donner les moyens à la justice et au trésor public de contrôler le respect de la loi, et c'est au citoyen d'assumer son pouvoir d'électeur.

Plutôt que d’accabler un homme dont il revient dorénavant à la justice d’apprécier l’étendue de la faute, réformons notre système politique. Si nous profitons du scandale pour inventer des moyens qui pourraient assurer une meilleur représentation de la diversité de notre société, faire respecter l'éthique républicaine par tous nos élus, et sanctionner lourdement ceux qui ont trompé la confiance des citoyens alors «l’affaire Cahuzac» aura été utile.